Publié le 05 octobre 2022
ÉCONOMIE
Vannier, coiffeur, paysans fleuriste… l'Adie connaît une forte augmentation de ses aides à la création de petites entreprises
L’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie) a vu ses demandes d'accompagnement à l'entrepreneuriat grimper de 25 % depuis le début de l’année. L’association qui accompagne ceux qui n’ont pas accès aux crédits bancaires constate un réel engouement pour l’aventure entrepreneuriale. Si les profils des personnes aidées par l’Adie sont atypiques, l'attrait pour l'autoentrepreneuriat est général, au point de questionner le modèle du salariat.

@Florine Morestin
Depuis le début de l’année, l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie) a vu ses demandes grimper de 25 %. Cette association qui accompagne ceux qui n’ont pas accès aux crédits bancaires à créer leur entreprise, en fournissant notamment des microcrédits, constate que de plus en plus de Français rêvent de lancer leur structure. En effet, près d’un Français sur deux (45 %) est aujourd'hui tenté par l’aventure, dont 73 % de jeunes de 18 à 24 ans et 49 % de demandeurs d’emploi, selon les chiffres publiés par l’Adie. Le profil de ces créateurs d’entreprise est inhabituel avec une majorité de personnes (58 %) qui vivaient sous le seuil de pauvreté avant de lancer leur structure (contre 13 % pour le pays) et 25 % sont sans diplôme (8 % en moyenne).
A 51 ans, Anne fait partie de ces entrepreneurs atypiques. Celle qui a aujourd'hui trouvé sa vocation avait auparavant exercé de nombreux métiers sans "jamais trouver d’emploi fixe", confesse-t-elle. La gérante de l’atelier V’Anne’Rie, qui a créé en 2019 son entreprise dans la Meuse après une ultime période de chômage, fabrique et vend des objets traditionnels, des créations artistiques et dispense des formations. Pourtant, lorsqu’elle a voulu exercer cette profession, ni Pôle emploi ni les banques ne lui ont permis de financer l’indispensable formation. La vannière s’est alors tournée vers l’Adie qui lui a proposé un microcrédit pour financer sa formation et l’accompagner dans la création de sa structure. Après trois ans d’activité, Anne est désormais confiante : "Nous ne sommes que trois vanniers dans la Meuse et il y a assez de travail pour tous", affirme-t-elle.
Faire mentir la fatalité
Le parcours d'Anne ressemble à celui de Camille. Le désormais paysan fleuriste de 36 ans a tâtonné avant de se mettre à son compte. L’ancien ouvrier agricole avait besoin d’un coup de pouce financier pour lancer son activité, or les banques refusaient de l’aider. L’an passé l’Adie lui accorde un microcrédit, indispensable pour lancer sa microentreprise. Depuis mars 2021, "l’Odeur de la pluie" - nom de sa structure basée en Haute Garonne - cultive et commercialise des fleurs locales, de saison, non chauffées, éclairées, sur sol vivant. Le fleuriste engagé se réjouit de faire mentir le discours des chambres d’agriculture selon lequel il est impossible de vivre d’une activité de maraîchage bio sur petite surface. "Aujourd’hui, les fleuristes et les clients recommencent à voir l’intérêt de consommer de la fleur bio locale", s’enthousiasme-t-il.
Cherif a connu un destin comparable. Il a ouvert un salon de coiffure pour homme à Ivry sur Seine dans le 94, le "barber shop Aghiles Coiffure", en 2021 grâce à un microcrédit et alors qu’il ne trouvait pas de financement auprès des banques. Avec son associé, ils ont déjà créé deux emplois et ont pour projet d’ouvrir un deuxième salon, toujours à Ivry-sur-Seine, pour s’ouvrir à la clientèle féminine.
12 % de la population active est auto-entrepreneure
Youssef, conseiller Adie à Montreuil, a aidé de nombreux autres entrepreneurs à créer leurs emplois de VTC, traiteurs à domicile, chauffeurs livreurs, entrepreneurs du bâtiment, prestataires de nettoyage… "Le principal problème, c’est l’auto-exclusion : beaucoup de personnes se disent que la création d’entreprise n’est pas faite pour eux parce qu’ils viennent d’un quartier", constate-t-il. Contre cette fatalité, l’Adie se mobilise toute la semaine pour sensibiliser les potentiels créateurs d’entreprises.
Entre janvier et septembre 2022, 1 million d'entreprises ont déjà été créées en France, contre 995 000 sur l'ensemble de l'année 2021. Les auto-entrepreneurs représentent désormais près de 12 % de la population active. "L'ancien monde du travail standardisé, linéaire ou pire encore prédestiné, est bien en train de laisser la place à un nouveau monde fait d'initiatives laissées à la volonté de chaque citoyen", estime François Hurel, président de l'Union des auto-entrepreneurs, dans une tribune publiée dans Les Echos et intitulée "La ruée vers l'auto-entrepreneuriat, un "big quit" à la française".
Mathilde Golla @Mathgolla