Publié le 05 janvier 2022
ÉCONOMIE
Un incendie extrêmement toxique pollue l’air dans le Sud et symbolise les risques incontrôlées des déchetteries
Le 26 décembre dernier un incendie a ravagé un centre de recyclage de déchets dans les Bouches du Rhône. Les conséquences sont telles que l’organisme AtmoSud compare la pollution de l'air à celle d’une ville comme Pékin avec des conséquences "importantes sur la population". Le gestionnaire de cette déchetterie est introuvable. L’ONG France Nature Environnement dénonce une carence de la loi et compte porter plainte contre l’Etat.

Capture d'écran des relevés d'AtmoSud
Un incident tristement prévisible. Les causes de l’incendie qui s’est déclaré le 26 décembre dernier dans un centre de recyclage de déchets à Saint-Chamas dans les Bouches-du-Rhône ne sont pas encore connues. Mais la responsabilité du gestionnaire de tri est clairement mise en cause dans cet accident qui génère une pollution de l’air extrêmement toxique et "a des retombées importantes sur la population", selon l’organisme de surveillance de l’air AtmoSud. "On peut faire une comparaison avec Pékin quand les pics de pollution sont les plus intenses", a précisé Dominique Robin, directeur de l’association.
L’entreprise, Recyclage Concept 13, à la tête de cette déchetterie, est désormais introuvable. Elle avait fait l’objet d’un arrêté de mise en demeure douze jours avant l’incendie. "Les conditions et le volume de stockage du site ne sont pas en conformité", alertait ainsi la préfecture. En effet, la quantité de déchets gérés par l’entreprise dépassait largement le seuil autorisé. "La société disposait d’une autorisation pour 10 000 tonnes de déchets or elle en stockait le double soit 20 000 tonnes", précise Richard Hardouin président de France Nature Environnement (FNE) 13, fédération d’associations de défense de la nature et de l’environnement.
Le maire de la commune d’environ 8 000 habitants, Didier Khelfa, avait quant à lui alerté les autorités dès le mois d'avril. Il avait constaté "des stocks de déchets qui s’accumulaient dangereusement. Comment a-t-on pu laisser dériver à ce point cette entreprise, au mépris des risques d’incendies ?", s’est interrogé le maire de Saint-Chamas, qui envisage de porter plainte, aux côtés de France Nature Environnement (FNE).
Cet incendie est "révélateur d’un problème beaucoup plus large"
"L’entreprise gestionnaire n’avait pas de siège social mais simplement une boîte aux lettres à Marignane", fustige de son côté Richard Hardouin de FNE 13 qui se demande comment une autorisation d’exploiter des déchets peut être accordée à "une société qui s’inscrit sur internet et ne dispose même pas de locaux ? Maintenant, le président et l’actionnaire unique étranger sont aux abonnés absents et cela va être très compliqué de les retrouver", s’insurge ce dernier. Il évoque trois dimensions préoccupantes dans ce dossier avec une atteinte à la santé publique et à l’environnement mais aussi le non-respect de normes établies et enfin une carence de l’Etat et de la loi qui permet ce type de situation.
Cet incendie est "révélateur d’un problème beaucoup plus large", affirme ainsi Richard Hardouin qui dénonce "un système économique parallèle, car il n’y a pas de filière de tri digne de ce nom". "Cet incendie, aussi dramatique soit-il, n’est pas un cas isolé et l’Etat n’ignore pas ce qu’il se passe", fustige-t-il. Il prône ainsi le déploiement d’actions fortes pour lutter contre l’accumulation de déchets mais aussi la mise en place de filières de gestion des déchets efficaces. "Il faut régler le problème de manière globale et éviter la création d’entreprises fugitives permises car il y a un vide juridique", soutient-il.
En attendant une intervention de l’Etat, le maire de Saint-Chamas a demandé aux directeurs d’école d’interdire la sortie en récréation des élèves et a fermé les centres sportifs extérieurs et les jeux pour enfants de sa commune "par mesure de précaution". Il espère pouvoir lever ces mesures rapidement, "grâce au mistral qui doit arriver", a-t-il déclaré. Quant à l’incendie, il ne devrait pas être résorbé "avant 15 jours au mieux et si l’on déploie de gros moyens", précise Richard Hardouin.
Mathilde Golla @Mathgolla