Publié le 05 septembre 2023
ÉCONOMIE
"Tsunami de déconsommation", livre choc, déforestation, démission… Carrefour dans le rouge
Depuis plusieurs jours, Carrefour dévisse en Bourse. Une trajectoire qu'il suit depuis plusieurs mois alors que les points noirs se multiplient : accusations de déforestation en Amazonie, déconsommation liée à l'inflation, démission du directeur exécutif France et sortie d'un livre choc promettant des "témoignages accablants" sur les coulisses du géant de la distribution. Les nuages assombrissent l'avenir de Carrefour.

THOMAS SAMSON / AFP
Depuis six mois, Carrefour a perdu 1,4% en Bourse quand le CAC40 enregistrait une hausse de 4,2%. Le déclin n’est pas flagrant mais depuis quelques jours, il s’accentue. Le 29 août, le distributeur a ainsi dévissé de 5%, seul groupe du CAC40 à effectuer un plongeon. Il faut dire que les mauvaises nouvelles tombent les unes après les autres.
Dernière en date : le départ du directeur exécutif du groupe depuis 2020, Rami Baitieh. Très apprécié pour son rôle dans la relance des hypermarchés de l’enseigne, il est remplacé par Alexandre de Palmas, actuel patron de Carrefour Espagne. "Nous considérons l'annonce du nouveau PDG de la France comme légèrement négative à court terme, étant donné le succès de Rami Baitieh et les résultats relativement inconnus d'Alexandre de Palmas", indique un broker interrogé par l’Agence Option Finance (AOF).
Une déconsommation à long terme
À long terme, c’est plutôt le "tsunami de déconsommation" évoqué par le PDG du groupe qui provoque des remous. Interrogé par France Info Alexandre Bompard a évoqué une inflation alimentaire à 20% sur deux ans : "Quand l’essentiel n’est plus accessible, il faut agir vite". Dans son viseur : la loi Descrozaille, qui va bientôt entrer en application. Elle vise à encadrer les promotions non-alimentaires en grande distribution afin d’équilibrer le rapport de force entre producteurs, industriels et distributeurs. Les distributeurs comme Carrefour et Sytème U demandent un moratoire.
Il faut dire que leurs perspectives de croissance ne sont pas très bonne. La chute de la consommation de l’alimentation en France est sans précédent : -12 % depuis janvier 2022. C’est même du jamais vu depuis les années 1980, soit le début du recensement de ces données par l’Insee, expliquait récemment à Novethic l’économiste de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), François Geerolf. L’inflation et l’augmentation des prix alimentaires sont les principales raisons de ce déclin qui devrait devenir la norme dans les années à venir. "On voit que les Français ne peuvent pas continuer à consommer de la même manière avec des prix à +15 %", indique Emily Mayer, experte à l’institut de Recherche et d'innovation (IRI). "Ils s’adaptent pour essayer que leur panier n’augmente pas, ça va s’ancrer dans les habitudes", note la spécialiste.
"Carrefour, la grande arnaque"
Au-delà de ce contexte morose pour les distributeurs, Carrefour fait aussi l’objet d’une enquête du média d’investigation Reporter Brasil -repris par le journal Le Monde- qui l’accuse de s’approvisionner auprès d’un éleveur accusé de déforestation en Amazonie. Contacté par Novethic, Carrefour nie toute implication : "Suite à l'alerte soulevée par Reporter Brazil, Carrefour Brésil a vérifié dans sa base de données l'absence de tout approvisionnement en viande de bœuf provenant du fermier incriminé ou de membres de sa famille".
Ce n’est pas la première fois que le distributeur est accusé de contribuer à la déforestation en Amazonie. En septembre 2022, l’ONG Mighty Earth avait épinglé Carrefour sur les pratiques peu scrupuleuses de certains fournisseurs. Dans son étude "Carrefour nous enfume", elle montrait notamment que la société LDC, l'un des principaux fournisseurs de poulets et d'œufs pour les marques de distributeur de Carrefour en France, s’approvisionnait chez l’américain Bunge, lui-même importateur de soja lié à la déforestation. "L’élevage est une cause majeure de déforestation de l'Amazonie au Brésil et avec 25% de parts de marché de la grande distribution au Brésil, Carrefour a un impact majeur", soulignait Boris Patentreger, directeur France de Mighty Earth.
Enfin, une autre raison pourrait rendre frileux les investisseurs : la sortie du livre le 13 septembre prochain "Carrefour, la grande arnaque". Le livre, écrit par Jérôme Coulombel, ancien cadre du groupe, n’est pas encore disponible mais promet des "documents explosifs et des témoignages accablants" sur les coulisses du géant de la distribution. "Fournisseurs sous pression", "franchisés étranglés financièrement et gardés contractuellement captifs", "salariés qui perdent leurs avantages sociaux"… la liste des griefs est longue et pourrait écorner l’image du premier employeur privé de France. Surtout, certains craignent l’effet Orpea. Après la publication du livre "Les Fossoyeurs, révélations sur le système qui maltraite nos aînés" par le journaliste Victor Castanet, le leader français du secteur a chuté de plus de 70% en Bourse.