Publié le 21 septembre 2022
POLITIQUE
Suède, Italie, France : l’absence du changement climatique dans les campagnes électorales fait progresser l’extrême droite
Si l’Europe paye un lourd tribut aux catastrophes climatiques, l’enjeu est paradoxalement quasi absent des campagnes électorales. En Suède et en Italie, comme en France il y a quelques mois, elles restent centrées sur la sécurité et l’immigration ce qui fait progresser l’extrême droite et conduit les gouvernements à ne pas faire de la protection du climat une priorité. Cela accentue encore le fossé entre des dirigeants politiques dans ces pays démocratiques et les populations de plus en plus préoccupées par les nouvelles conditions climatiques.

@Piero Cruciatti via AFP et CCO
L’Italie vote dimanche prochain pour les élections législatives. Et tous les sondages donnent largement gagnante l’extrême droite représentée par un nouveau visage, Georgia Meloni, leader du parti Fratelli d’Italia. Une étude, réalisée par l’Observatoire de Pavie, spécialiste de la communication, et Greenpeace, a révélé que moins de 0,5 % des interventions des principaux candidats traitaient de la crise climatique. Même chose sur leurs 14 profils Facebook où ils ne consacrent pas plus de 2 % des posts aux enjeux du climat.
L’Italie a pourtant expérimenté ces dernières semaines une sécheresse exceptionnelle au Nord, l’effondrement d’un glacier début juillet et doit affronter la crise de l’énergie. Mais les candidats aux élections législatives ne font pas pour autant de la nécessité de s’adapter à ces nouvelles conditions climatiques une priorité. Ils mettent en avant, au contraire, la relance des forages pétroliers dans le détroit de Sicile et en mer Adriatique, où se trouve la moitié des réserves prouvées du pays, pour aider les Italiens à affronter la crise.
Grève des lycées le 23 septembre
Très en retard sur la rénovation thermique des bâtiments, l’Italie semble se préoccuper beaucoup moins d’écologie qu’au moment de l’avènement du Mouvement cinq étoiles, il y a plus de dix ans. Pour tenter de réveiller la flamme le mouvement Fridays for Future, emmené en Italie par Filippo Sotgiu, appelle à la grève dans les lycées d’une cinquantaine de villes le 23 septembre, deux jours avant les élections. Mais dans un pays en plein déclin démographique, il mobilise surtout les jeunes qui n’ont pas l’âge de voter.
Le scénario suédois est à peu près le même. Au pays de Greta Thunberg, l’extrême droite a fait une poussée aux législatives en obtenant plus de 20 % des suffrages, trois points de plus que lors du précédent scrutin en 2018. La campagne du parti d’extrême droite était axée principalement sur l’insécurité et l’État Providence, pour faire passer la "Suède d’abord". Il y a dans le pays comme une fatigue écologique sur le plan politique. Les Suédois estiment qu’ils ont déjà fait beaucoup et ne sont pas forcément conscients des risques d’un recul de leur mobilisation sur le climat. Dans une interview réalisée avant les élections, Greta Thunberg qui, depuis 2018, continue sa grève scolaire du vendredi devant le Parlement suédois, explique qu’à ses yeux c’est la mobilisation citoyenne dans les rues qui permettra de concilier lutte contre le changement climatique et protection de la démocratie.
We're almost ready to share our in-depth, incisive interview with @kevinclimate & @gretathunberg, about the politics of mitigation, the role of democracy, equity, anger and hope. Here's a preview of Greta talking about becoming active citizens to protect both democracy & climate. pic.twitter.com/aZJQr07Afk
— Climate Uncensored (@Clim8Uncensored) September 16, 2022
Remettre le changement climatique à l’agenda
En France, où le temps de parole du climat a été évalué entre 2 et 3 % dans les campagnes présidentielles et législatives, le score cumulé des deux candidats d’extrême droite aux Présidentielles a dépassé les 30 % et le Rassemblement National a obtenu 80 députés au sein de l’Assemblée Nationale. Les catastrophes de l’été ont modifié la perception du risque climatique dans l’opinion, mais sur le plan politique c’est loin d’être une priorité.
Finalement seule l’Allemagne fait figure d’exception. Les inondations dramatiques de l’été 2021, la pression exercée par les jeunes pour le climat, ont permis à la coalition Verts, SPD et Libéraux de remporter les législatives en septembre 2021, il y a un an. Mais ses engagements sur le climat et la transition énergétique sont mis à mal par la crise ouverte par la guerre en Ukraine.
Ces différents scrutins, qui laissent planer la menace d’une Europe renouant avec ses vieux démons, témoignent surtout d’un clivage grandissant entre les populations de ces États membres, entre ceux qui croient au vote et ceux qui s’abstiennent, entre les jeunes et les vieux, entre les urbains et les ruraux. Mettre le changement climatique à l’agenda politique, en leur expliquant qu’ils sont tous concernés, pourrait être un moyen d’offrir à l’Europe une cause commune : son pacte vert !
Anne-Catherine Husson Traore, @AC_HT_, directrice générale de Novethic