Publié le 07 juin 2023
ÉCONOMIE
Des cosmétiques plus résilients avec les responsables de sourcing (4/5)
La demande pour des cosmétiques naturels explose tandis que les producteurs subissent déjà les effets du changement climatique. Les responsables du sourcing préparent des recettes plus résilientes avec les enjeux sociaux et environnementaux en tête. Dans cette série, Novethic vous montre les dessous des métiers clés de la transition écologique.

@Towfiqu Barbhuiya / Unsplash
De la camomille contre les crampes, de l’avoine pour calmer des peaux sensibles, de l’huile d’argan pour l’hydratation… Les soins naturels séduisent à tel point que les dépenses en cosmétiques bios et naturels ont doublées en France entre 2012 et 2023 selon les estimations du Statista Consumer Market Outlook. Pourtant, la disponibilité de ces précieuses plantes vacille. Les producteurs de jasmin du pays de Grasse, région provençale chouchoute des parfumeurs, s’inquiètent des sécheresses pour cet été 2023. Également, les gelées tardives se sont multipliées ces dernières années et déciment les rosiers. Des inquiétudes partagées ailleurs dans le monde.
D'où l'importance du rôle des responsables de l’approvisionnement dans le secteur des cosmétiques et des pharmaceutiques naturels. Si le métier a toujours existé, il est devenu central pour la transition écologique, véritable vigie des effets du changement climatique. "Aujourd’hui, nous n’avons pas de ruptures du fait d’aléas climatiques mais la réflexion est quotidienne, la pérennité de nos activités dépend de celle de ces ressources.", affirme Mathieu Leti, responsable du sourcing et du développement des actifs végétaux chez Pierre Fabre, groupe pharmaceutique et dermo-cosmétique français.
"Quelles espèces sont les moins gourmandes en eau ?"
"Mon rôle est d’identifier des matières premières végétales et de nouveaux actifs pour répondre aux besoins des marques, puis de les associer à une filière d’approvisionnement conforme à nos exigences de qualité", décrit Mathieu Leti. L’ingénieur en chimie pharmaceutique sélectionne des molécules produisant l’efficacité recherchée et se pose de nombreuses questions à propos des plantes qui peuvent les fournir : "quelles espèces sont les moins gourmandes en eau ? Lesquelles peuvent résister aux périodes sécheresses et à l’inverse, aux périodes inondations ? Quelles interactions sont bénéfiques entre les espèces végétales ?", liste-t-il. Enfin, il faut trouver des producteurs capables de fournir la matière dans une qualité et une quantité constante.
Cette réflexion peut prendre quatre à cinq ans comme cela a été le cas pour la création de la recette d’une crème anti-acné à base de chardon-marie, une plante économe en eau, non irriguée, cultivable en France, et qui a aussi l’avantage de fournir une huile végétale nourrissante en plus de l’extrait séborégulateur recherché.
Avec quinze ans d’expérience dans le développement de produits chez Pierre Fabre, Mathieu Leti a vu le sujet du changement climatique gagner en importance dans le groupe, s’ajoutant aux enjeux déjà existants, tels les risques géopolitiques. "Il y a aujourd'hui tout un travail de cartographie et d’analyse d’impact pour voir quelles filières sont les plus à risques. Nous nous demandons si nous avons des solutions pour les pérenniser, si certaines sont à réinventer ou encore si nous devons trouver de nouveaux actifs en remplacement. C’est un travail au long cours." témoigne le spécialiste.
Respecter l’environnement et les fournisseurs
Éviter les pénuries ne suffit pas. Il faut aussi que les solutions trouvées respectent l’environnement et les fournisseurs. Pour y arriver, c'est un véritable travail d’équipe qui doit être mené. Le responsable du sourcing travaille main dans la main avec les responsables des achats, eux-mêmes en contact permanent avec les fournisseurs, et avec les responsables de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), regroupés dans le département "Green Mission" depuis 2019. Le groupe a créé un "Green Impact Index", qui contient aussi des indicateurs sociaux, pour évaluer la responsabilité de ses produits.
Ces responsabilités ont grandi avec la loi sur le devoir de vigilance, qui oblige les entreprises à prévenir les risques sociaux et environnementaux. "Dans les cosmétiques, la plupart des principes actifs, utilisés en relative petite quantité, nous permettent, dans la mesure du possible, de réduire le nombre d’intermédiaires et d'être très précis sur l'origine géographique", affirme Mathieu Leti. Reste d’autres ingrédients, comme des dérivés d’huile de palme, utilisés en grande quantité et à risque de déforestation. Pour s’assurer de la conformité de ses produits avec l'interdiction de l’importation de produits issus de la déforestation, le groupe Pierre Fabre réalise actuellement une étude d’impact interne.