Publié le 13 septembre 2023

ÉCONOMIE

"Ce produit a vu son grammage baisser" : L'opération de comm' de la grande distribution dénonçant la shrinkflation

Attention au retour de bâton. Pour dénoncer la "shrinkflation", soit le fait de baisser la taille d'un produit tout en en augmentant le prix, la grande distribution sort le grand jeu en pleine crise du pouvoir d'achat. Carrefour ou encore Intermarché ont épinglé les produits concernés via des étiquettes pour dénoncer les industriels. Sauf que la grande distribution est elle-même accusée d'appliquer cette pratique sur ses propres marques.

Carrefour magasin THOMAS SAMSON AFP
Dans les magasins Carrefour, des affichettes vont signaler une sélection de produits concernés par la shrinkflation.
THOMAS SAMSON / AFP

Le terme est sur toutes les lèvres. Depuis quelques jours, la "shrinkflation" inquiète les acteurs de la grande distribution. Cette technique consiste à réduire sans le préciser la quantité vendue d'un produit tout en conservant l’emballage habituel, conduisant mécaniquement à une augmentation de leur prix au kilo. Alors que l’inflation ne cesse de peser sur le pouvoir d’achat des consommateurs, les distributeurs ont dénoncé tour à tour la pratique. Mais le 6 septembre dernier, Carrefour est allé un cran plus loin en annonçant la mise en place d’une opération de "name and shame". 

"J’ai demandé à ce que dans tous les magasins, il y ait une étiquette sur les produits sur lesquels on a de la shrinkflation", a déclaré Alexandre Bompart, PDG de l’entreprise, lors d’une interview dans l’émission "C dans l’air". Depuis le lundi 11 septembre, 26 produits sont accompagnés de la mention "Ce produit a vu son grammage baisser et le tarif pratiqué par notre fournisseur augmenter. Nous nous engageons à renégocier ce tarif." Parmi les références concernées, l’expert de la grande distribution Olivier Dauvers relève des bouteilles de thé glacé Lipton, une boîte de lait en poudre Guigoz ou encore des tablettes de chocolat Lindt. 

Une opération de communication

L’initiative ne serait cependant pas inédite. En août dernier, une opération du même type avait été déjà observée dans une grande surface du groupe Intermarché. Du côté de Lidl, les produits concernés ne seraient tout bonnement plus proposés. "Je préfère stopper le produit plutôt que d'accepter la shrinkflation", a assuré Michel Biero, directeur exécutif achats et marketing de l’enseigne, sur BFM TV. Une position qui ne fait pas l’unanimité au sein des acteurs du secteur. "Nous on en a débattu, on a décidé de ne pas le faire, on appliquera ce que dira l’État. Ce n’est pas notre travail à nous, c’est aux industriels de le faire", estime Dominique Schelcher, PDG de Système U, invité sur France Inter.

Prudent, le patron des magasins Super et Hyper U évite ainsi le retour de bâton. Car les experts de la grande distribution semblent peu convaincus de ces initiatives. "Non seulement, c'est une opération de communication, mais c'est particulièrement gonflé", a réagi sur France Inter Lionel Maugain, journaliste pour 60 millions de consommateurs, à propos de Carrefour. En charge de l’observatoire de l’inflation, le spécialiste rappelle que l’enseigne avait elle-même été épinglée en mai dernier pour avoir pratiqué la shrinkflation, notamment sur ses paquets de salades sucrines. Tout en maintenant leur prix à 0,99 €, elle avait réduit le sachet de trois à deux pièces. 

Le gouvernement annonce une réglementation

Les distributeurs étaient par ailleurs au courant de la situation depuis près d’un an ajoute l’ONG Foodwatch. "Ça nous fait un peu rire jaune, confie à Novethic Camille Dorioz, Responsable de campagne pour l’association. En septembre 2022, quand on a sorti notre première enquête sur le sujet, les premières personnes que l’on a interpellé en termes d’étiquetage étaient les distributeurs avec une pétition qui les ciblaient et qui a recueilli 50 000 signatures aujourd’hui. Mais ils n’ont jamais répondu." Pour l’expert, les distributeurs usent de ces initiatives pour se positionner en avance sur la réglementation. 

Bruno Le Maire a en effet annoncé jeudi 7 septembre ajouter une disposition sur l’inflation cachée dans le texte sur les négociations entre industriels et distributeurs prévues en octobre. Elle "obligera les industriels à faire figurer de manière très visible la réduction de contenu quand ils gardent le même packaging" explique le ministre de l’Économie. "L’objectif, avec la réglementation, c’est que l’étiquetage soit homogène d’un distributeur à l’autre et d’un produit à l’autre", précise Camille Dorioz. "Au-delà de l’information claire apportée au consommateur, nous espérons que l’effet d’opportunisme que pouvaient avoir certains industriels disparaisse grâce à cette transparence", conclut l’expert.

Florine Morestin


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