Publié le 22 août 2022
ÉCONOMIE
Restaurants fermés, usines à l’arrêt… le monde économique paye son manque d’adaptation au changement climatique
Des cuisines de restaurants fermées en raison de températures caniculaires, des usines à l'arrêt en raison de la sécheresse,... le monde économique subit de plein fouet les risques réels du changement climatique. Or, il ne s'est pas encore adapté à ces évènements qui vont se multiplier et s'intensifier. La France, comme les autres pays, n'est pas à la hauteur. Selon l'expert Thibault Laconde, l'adaptation va devenir un "avantage concurrentiel" et va surtout permettre d'assurer la pérennité des entreprises et industries.

TORSTEN SILZ / AFP
Sécheresse, canicule, feux de forêt… partout dans le monde, en cet été 2022, les évènements extrêmes liés au changement climatique se déchaînent. S’ils impactent directement les humains, leur santé, leurs habitations, et la biodiversité… les industries et entreprises sont également touchées de plein fouet. Aux États-Unis, plusieurs restaurants ont dû descendre leur rideau de fer car l’intense vague de chaleur rendait le travail impossible en cuisine. Ce fut aussi le cas en France lors des jours caniculaires à plus de 40°C.
A Troyes, dans l’Aube, Didier Stil, le patron du bar-restaurant l’Odysée avait ainsi décidé de fermer ses portes entre 14h30 et 18h, rapporte l’Est Éclair. "Lors d’une précédente vague, j’avais eu une serveuse qui avait souffert d’une insolation. Donc, par respect pour le personnel, je ne le fais pas travailler", témoigne auprès du journal Didier Stilll, également président de l’Union des métiers et industries de l’hôtellerie (Umih). Idem pour La Gigas vers la Rochelle. "On prépare les moules à la plancha, à 80 °C, avec les températures qui atteindront les 40 degrés ce n’est pas envisageable d’ouvrir les cuisines", confie la gérante, Marina Poupeau à Sud-ouest.
"L'adaptation est le parent pauvre de la lutte contre le changement climatique"
L’hôtellerie-restaurant n’est pas le seul secteur concerné. Le 17 juin, dans une usine du groupe Toray, premier fabricant de fibres de carbone au monde, à Abidos dans les Pyrénées-Atlantiques, des salariés ont exercé leur droit de retrait alors que la température atteignait plus de 60°C sur certains postes de travail. Quand aux centrales nucléaires, à cause de la chaleur et de la sécheresse historique, certaines ont été obligées d’abaisser leur production d’électricité. Peu de secteurs sont épargnés par les risques réels du changement climatique.
"L’adaptation n’est pas au niveau du défi. C’est le parent pauvre de la lutte contre le changement climatique", analyse l'ingénieur spécialiste de l’adaptation Thibault Laconde. "Jusqu’à récemment, parler d’adaptation était presque vu comme une trahison alors qu’évidemment la priorité doit être la réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est un état d’esprit qui continue à exister", explique-t-il. L’inadaptation au changement climatique peut, pourtant, être lourde de conséquences.
Bientôt un avantage concurrentiel de taille
En Chine, certaines usines ont été obligées de fermer, comme lors de la pandémie de Covid-19, cette fois à cause de la sécheresse qui a fait chuter la production hydroélectrique. Toyota, Apple, Volkswagen, tous ont dû ralentir voire arrêter leur production. En Allemagne, c’est tout le système d’approvisionnement qui est mis à mal en raison de l'assèchement du Rhin, touchant de plein fouet l’industrie chimique. "La pérennité de nombreuses activités va passer par l’adaptation", affirme Thibault Laconde. "Pour certains pays, avoir une industrie qui est déjà adaptée au changement climatique va être un avantage concurrentiel face à ceux qui rencontrent des problèmes récurrents parce qu’ils n’ont pas suffisamment anticipés les risques climatiques", avance l’expert.
Et la France n’est clairement pas à la hauteur. Le cabinet Callendar, dont Thibault Laconde est le fondateur, a publié une étude dans laquelle il a passé au crible l’environnement direct des 1246 sites Seveso en France, c’est-à-dire ces usines qui utilisent ou stockent des matières dangereuses, pour comprendre si elles étaient vulnérables à des feux de forêts. Au final, un quart d’entre elles le sont dont 187 sites classés Seveso seuil haut donc particulièrement dangereux.
En juin dernier l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) a publié un rapport dans lequel il confirme que la France n’est pas assez bien armée pour "gérer l’inévitable". Pour affronter les impacts des canicules, incendies, inondations, la France doit mettre sur la table au minimum 2,3 milliards d’euros par an, affirme le think tank qui offrait ici la première évaluation des besoins financiers de l’adaptation.
Marina Fabre Soundron fabre_marina