Publié le 20 juillet 2022

ÉCONOMIE

Rendez-vous raté avec la voiture électrique : elle aurait pu s’imposer dès 1899

Le Parlement européen a voté en faveur de l’interdiction des ventes de voitures neuves thermiques à partir de 2035. Ce choix de motorisation au profit de l'électrique a failli être fait bien plus tôt : dès la fin du XIXe siècle ! À l’époque, le moteur à explosion n’est pas encore installé et beaucoup croyaient à l’électricité pour la mobilité. Toute la semaine, Novethic revient sur ces rendez-vous historiques ratés avec l'écologie qui auraient pu être déterminants pour nos modes de vie.

La Jamais Contente de Jenatzy a Acheres en 1899
En 1899, la "Jamais contente", premier véhicule à dépasser les 100km/h, était électrique.
@DR

Le retour en force de la voiture électrique ravive un débat qui avait déjà fait rage à la fin des années 1800. À l’époque, le choix du meilleur type de propulsion n’était pas établi et certains croyaient déjà plus à l’électricité qu’au pétrole. C’était le cas de l’industriel belge Camille Jenatzy. Dans les années 1890, celui-ci décidera de prouver la supériorité des batteries sur le moteur à explosion en battant le record de vitesse qui culminait alors aux alentours de 92 km/h.

C’est à la Compagnie internationale de Paris qu’il commandera la construction de la "Jamais Contente", une sorte d’obus en aluminium et tungstène, monté sur roues. Ses deux batteries électriques, développant un peu moins de 70 chevaux, représentent environ la moitié de son poids de 1,5 tonne. Elle s’élance le 28 avril 1899 sur une route des Yvelines et pulvérise le record en atteignant 105,98 km/h. La voiture électrique franco-belge fait des étincelles et devient le premier véhicule terrestre à dépasser la barrière symbolique des 100 km/h.

Domination de l'électrique début XXe

Alors porté par ces prouesses technologiques, mais aussi car ils sont faciles à démarrer et ne laissent pas derrière eux un nuage irrespirable de fumée noire, les véhicules électriques se développent. Ainsi, en 1900, plus du tiers des voitures en circulation est électrique, le reste étant des autos à essence et à vapeur. Et près de deux fois plus de voitures électriques sont produites que de voitures à essence. Résultat : en 1905, la moitié du parc automobile mondial est électrique. À l’époque déjà cette technologie est adaptée aux villes. Ainsi, certains réseaux de taxis roulent déjà à l'électrique, notamment en France.

Mais l'électrique décline rapidement au profit du moteur à explosion qui s’impose en seulement une décennie. Plusieurs facteurs expliquent cette domination fulgurante : l’amélioration des moteurs, le mode de production à la chaîne initié par la célèbre Ford T mais aussi le déploiement d’infrastructures de distribution favorables au pétrole. "La lenteur du déploiement des infrastructures électriques a eu un rôle clé" pour expliquer son déclin au profit du pétrole, selon un article de Josef Taalbi et Hana Nielsen, chercheurs en économie à l’Université de Lund en Suède, publié dans la revue Nature Energy. "Nous estimons qu'une diffusion des réseaux électriques 15 ou 20 ans plus tôt aurait fait pencher la balance en faveur des véhicules électriques", ajoutent les auteurs.

Le déploiement des infrastructures est essentiel

Mais le lobby du pétrole a œuvré pour imposer le moteur à explosion qui structure ensuite nos modes de vie tout au long du XXe siècle. Ce sont sur eux qu'ont été bâtis tous nos outils de mobilité et une large partie de la technologie moderne. Un siècle après son avènement, le moteur à explosion est cependant reconnu comme la première cause d’émission de gaz à effet de serre et de pollution urbaine. 

Il est tombé en disgrâce. Les réglementations se mobilisent pour le faire reculer et même progressivement disparaître à partir de 2035. Mais, ironie du sort, le retour du moteur électrique bute encore sur le réseau de distribution. "Dans le contexte de la crise climatique actuelle, les résultats soutiennent l'idée que des investissements à grande échelle dans les infrastructures sont essentiels pour réaliser des transitions socio-technologiques durables", concluent Josef Taalbi et Hana Nielsen.

Mathilde Golla, @Mathgolla


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