Publié le 27 octobre 2022
ÉCONOMIE
Les écoles d'ingénieurs libèrent la parole sur l'écoanxiété
Face au nombre croissant d'étudiants touchés par l'écoanxiété, des écoles d'ingénieurs prennent les devants en offrant des lieux d'expression. Un rôle essentiel, d'après les experts, qui rappellent que la solitude entretient régulièrement ce désarroi.

@ Callum Shaw via Unsplash
L'écoanxiété est prise au sérieux en cette rentrée 2022-2023. Non seulement le terme fait irruption dans le dictionnaire Le Petit Robert, mais des écoles d'ingénieurs ouvrent des espaces de discussion pour aider les étudiants concernés. Le groupement d'écoles d'ingénieurs Toulouse INP initie cette année un réseau de référents étudiants et enseignants formés à l'animation de cercles de paroles. De son côté, l'École Nationale des Travaux Publics d'État y consacre quelques heures dans son tronc commun.
L'objectif est de "transformer la paralysie en action", explique Roman Teisserenc, référent pédagogique du master Eco-ingénierie de Toulouse INP, qui organise déjà depuis plusieurs années un accompagnement à l'écoanxiété pour ses étudiants. "Ce n'est pas une pathologie", rappelle l'écothérapeute Isabelle Giraldo qui réalise l'accompagnement. "Toutefois, il faut rompre l'isolement. Si le sujet n'est pas conscientisé, il peut donner lieu à de vrais problèmes" explique-t-elle.
Croire en l'impact positif
Les étudiants sont de plus en plus nombreux à exprimer un mal-être. L'association GreenSAT a montré dans un sondage que 60% des étudiants de l'ENSAT, l'école d'agronomie de Toulouse INP, se disent touchés par un sentiment d'écoanxiété. Un résultat qui corrobore d'autres études internationales. Mais les étudiants ressentent aussi une "éco-colère" face à l'inaction collective selon le rapport "Dans la tête des éco-anxieux" publié en octobre 2022 par la fondation Jean Jaurès.
Rien d'étonnant à ce que les écoles s'emparent du sujet. Elles sont un terrain d'expression privilégié des inquiétudes, comme en témoignent les nombreux discours engagés lors des remises de diplôme. De quoi perturber autant les cours que la recherche d'emploi. "On est tous soucieux, on en parle tout le temps entre élèves" témoigne Loïck Berthiaud, étudiant d'Agro Paris Tech, l'école d'ingénieur en agronomie qui a été le théâtre d'un appel à déserter de plusieurs étudiants.
Toulouse INP a donc pris les devants. Le format ? Un voyage de deux jours en pleine nature en novembre, dédié à la reconnexion aux émotions. Ensuite, les participants reviendront deux autres journées pour apprendre à recueillir à leur tour la parole de leurs camarades, et suivront plusieurs cours de facilitation. Un service étudiant de "référents écoanxiété permanents" se met en place, explique Nicolas Kahn, vice-président de l'association GreenSAT, qui souligne l'importance d'avoir des interlocuteurs de confiance, étudiants comme enseignants. Ces espaces d'échanges visent aussi à remplacer un "imaginaire apocalyptique" par "la conviction que nos actions peuvent avoir un impact positif", précise-t-il.
Des solutions collectives
L'École Nationale des Travaux Publics a de son côté choisi de dédier, dans le tronc commun, quelques heures sur le sujet de l'écoanxiété. Celles-ci sont suivies d'ateliers d'imagination des futurs souhaitables. "Le rôle d'une école est de former aux enjeux d'aujourd'hui. Dès lors que les enseignements produisent des émotions, il est nécessaire d'en parler", affirme Alexandre Chevallier, responsable de cette unité d'enseignement.
L'aspect collectif est central. "Nous ne voulons pas que l'écoanxiété pèse sur l'individu, elle doit être solutionnée par le collectif", précise Isabelle Giraldo. Ainsi, Clémence Sergeant, étudiante du master éco-ingénierie de Toulouse INP, souligne qu'elle a aussi besoin de "mieux comprendre l'indifférence générale et mettre sur la table des sujets".