Publié le 20 novembre 2023
ÉCONOMIE
Le succès des médicaments coupe-faim menace les géants de l’agroalimentaire
Le laboratoire Novo Nordisk, première capitalisation boursière d’Europe, va annoncer jeudi 23 novembre des investissements massifs en France. Il compte produire à Chartres ses médicaments antidiabétiques. Ces derniers, détournés par des millions de personnes pour leur effet coupe-faim, vantés par des stars d’Hollywood et des influenceurs sur TikTok, sont aujourd’hui si vendus qu’ils bouleversent l’industrie agroalimentaire.

Tiktok
C’est un bouleversement sur le marché de l’alimentation. Les médicaments coupe-faim ont pris un tel poids dans le monde, qu’ils viennent bousculer les géants de l’agroalimentaire. Symbole de leur réussite : le laboratoire danois Norvo Nordisk. En septembre dernier, le groupe est devenu la première capitalisation boursière d’Europe, doublant au poteau LVMH. Son ascension repose sur deux médicaments stars : les antidiabétiques Wegovy et Ozempic.
Ce jeudi 23 novembre, le président de la République Emmanuel Macron devrait d’ailleurs se rendre à Chartres, en Eure-et-Loir. Une annonce "importante" est attendue sur le site industriel de Novo Nordisk, qui va notamment produire sur place le Wegovy. Selon l’Écho Républicain, il s’agirait "du plus gros investissement industriel privé de l’année et même des cinq précédentes, dans l’industrie de la santé".
Robbie Williams, Elon Musk... un détournement promu par des stars
"Nous avons plus de patients que jamais auparavant", se félicitait en août le PDG Lars Fruergaard Jørgensen. Il faut dire que les planètes sont alignées pour l’entreprise dont la valeur a même dépassé le PIB du Danemark. Mais l’ascension fulgurante des ventes de ces médicaments destinés à réguler le diabète repose sur un détournement de leur utilisation. Plusieurs stars, dont le très controversé patron de Twitter et fondateur de Tesla, Elon Musk, en ont vanté les mérites sur les réseaux sociaux. L’effet "coupe-faim" de ces médicaments, qui ralentit la vidange gastrique, lui aurait ainsi fait perdre 13 kg. Même discours de l’actrice américaine Amy Schumer ou encore du chanteur Robbie Williams qui a fait l’apologie de l’Ozempic en octobre dernier dans une interview au Times, évoquant un "miracle de Noël" : "Je suis sous Ozempic bébé".
Depuis des mois, le mot-clé Ozempic cumule des millions de vues sur Twitter. Même en France, l’Agence du médicament (ANSM) s’inquiète de cette nouvelle mode. Dès mars 2022 elle avait d’ailleurs mis le produit sous surveillance. La situation est telle que la trop forte demande a créé une pénurie des traitements antidiabétiques aux États-Unis. Quant aux effets secondaires, alors que le scandale du Mediator a créé un vrai traumatisme en France, une étude de chercheurs de l’université de Colombie-Britannique (Canada), reprise dans le Monde, a montré des liens entre ces médicaments destinés aux antidiabétiques et des affections gastro-intestinales sévères comme des obstructions ou des pancréatites. Malgré ces inquiétudes, l’avenir de ces médicaments semble radieux.
Menace ou opportunité ?
Une étude de Morgan Stanley a prédit que d’ici 2035, 7% de la population américaine, soit 24 millions de personnes, consommeraient ce type de médicament. Or le distributeur Walmart a déjà remarqué un changement de comportement d’achat chez les personnes prenant de l’Ozempic, du Wegovy ou d’autres médicaments coupe-faim. "Nous constatons certainement un léger changement par rapport à la population totale, nous constatons un léger recul du panier global", déclarait en octobre dans une interview au média Bloomberg, le PDG John Furner, "Juste moins d'unités, un peu moins de calories."
Une déclaration que les marchés ont bien entendue. Mondelez, PepsiCo ou Coca-Cola ont ainsi vu leur cours de Bourse baisser après cette annonce. En tant que producteurs de confiseries, de soda ou de snacking, ils sont les premiers concernés. Interrogé par le Financial Times, le PDG de Kellanova, propriétaire notamment des chips Pringles, suit de près la situation : "Comme tout ce qui peut avoir un impact sur nos activités, nous l’examinerons, nous l’étudierons et si nécessaire, nous nous adapterons".
Chez Nestlé, alors que les actions du géant ont chuté après l’annonce de Walmart, on préfère anticiper. "Nous travaillons déjà sur une large gamme de produits qui pourraient servir de produits d’accompagnement", a déclaré son PDG Mark Schneider. Une menace qui peut donc se transformer en opportunité.