Publié le 09 août 2023
ÉCONOMIE
Altice, SFR, BFMTV... Le modèle Drahi, bâti sur une montagne de dettes, est en péril
C’est une star de la dette et c’est par elle qu’il pourrait tomber. Patrick Drahi, à la tête d’Altice, traverse une crise sans précédent. Alors que son bras droit est poursuivi pour corruption, l'homme d'affaires doit rendre des comptes à des investisseurs inquiets d’une dette s’élevant à 60 milliards d’euros ! Une situation qui rappelle celle de Casino et qui n’augure rien de bon côté emplois.

STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
C’est un château de carte qui pourrait bien s’effondrer tant le groupe de télécoms et de médias Altice traverse une zone de turbulences. Tout a commencé le 13 juillet quand le cofondateur d’Altice, Armando Pereira, a été arrêté au Portugal. Le bras droit du patron Patrick Drahi, est poursuivi pour 11 délits financiers de corruption, usage de faux, fraude fiscale ou encore blanchiment. Avec d’autres cadres, il est soupçonné d’avoir bénéficié de commissions sur des contrats d’Altice.
"Si les suspicions du fisc portugais se révèlent vraies, je me sens trahi", a déclaré lundi 7 août Patrick Drahi. "Cela voudrait dire qu’un petit groupe d’individus a caché leurs actions et profité de certaines de nos acquisitions, au détriment du groupe et de ma réputation". Drahi se désolidarise et tente ainsi de rassurer les investisseurs, très inquiets de la situation financière du groupe. Car ce scandale de corruption n’est que la partie émergée de l’iceberg. Altice est engluée dans une dette colossale de 60 milliards d’euros.
Un empire basé sur la dette
"À titre de comparaison, et toutes choses égales par ailleurs, il faut se souvenir que le groupe Casino, dont on connaît malheureusement les affres, portait à fin 2022 une dette de 6,4 milliards d’euros (dont 4,5 milliards en France) pour un chiffre d'affaires groupe de 33,6 milliards d'euros et un Ebitda de 2,5 milliards d'euros", rappelle sur Linkedin l’ancien DG d’Intermarché France Noël Zierski. Le chiffre d'affaires d'Altice France est lui de 11,3 milliards d'euros pour un Ebidta de 4,1 milliards et une dette de 23,6 milliards.
Et le parallèle est bien opportun. Car avec "seulement" 6,4 milliards d’euros de dette, le navire Casino a pris l’eau. À sa tête : Jean-Charles Naouri, un champion des montages financiers à base de dettes. De quoi rappeler les pratiques de Patrick Drahi qui a bâti son empire sur la dette via une stratégie de LBO pour leverage buy out.
Le principe est simple : l’investisseur utilise l’endettement pour financer une acquisition. Altice détient ainsi SFR, Portugal Telecom, BFMTV, ou encore RMC, et Patrick Drahi, via sa holding familiale a notamment racheté Britsh Telecom. Mais ces acquisitions ne se font pas sans réduction des coûts. Chez SFR par exemple, le nombre de salariés a été divisé par deux et demi selon les syndicats et le taux de démission atteint des records. À cela s’ajoute la délocalisation avec un service client désormais au Maroc.
Des fleurons français plombés
Reste qu’il faut désormais montrer patte blanche. Patrick Drahi a ainsi annoncé le 8 août que sa "seule priorité" était d’alléger la dette de la branche France d’Altice. Pour cela, le milliardaire a précisé vouloir vendre "certains actifs non essentiels" comme des "data center". La situation est d’autant plus alarmante que les taux ont remonté, que la note d’Altice France a récemment été dégradée par les agences de notations et qu’Altice doit commencer à rembourser ses premières échéances dont 1,6 milliard d’euros en 2025 pour un total de 20 milliards jusqu’en 2029.
Une situation qui rappelle certes Casino, mais pas seulement. Depuis quelques mois, plusieurs fleurons français s’effondrent sous le poids de leur dette. C’est le cas de l’empire fondé par Michel Ohayon, à la tête des Galeries Lafayette, la Grande Récré, Gap ou encore Camaïeu. Tant d’entreprises qui tombent les unes après les autres. Spécialisé dans le rachat pour 1 euro symbolique, les montages financiers de l’homme d’affaires restent opaques mais lui valent un surnom : le fossoyeur d’entreprises. Et derrière, ce sont des milliers d’emplois qui se retrouvent sur la sellette.