Publié le 15 février 2023

ÉCONOMIE

Kookaï, Camaïeu, André, Pimkie... la chute d’un modèle

Ce sont des enseignes traditionnelles, qui ont marqué la vie de nombreux Français. San Marina, André, Camaïeu, Kookaï, Pimkie... toutes se retrouvent aujourd'hui en difficulté, certaines ayant déjà baissé le rideau. Ces enseignes de milieu de gamme, concurrencées par les petits prix et l’e-commerce d'Asos ou Shein, n'ont pas non plus pris le virage de la durabilité pour attirer d'autres consommateurs. Résultat, des milliers d'emplois majoritairement peu qualifiés sont aujourd'hui sur la sellette.

Fermeture c et a rue de rivoli
Rue de Rivoli à Paris, le magasin C&A a fermé ses portes.
Marina Fabre Soundron

[Mise à jour le 16 février] Un samedi typique dans les années 90/2000. Les adolescentes défilent dans les centres commerciaux en essayant des hauts chez Pimkie ou Jennyfer. En centre-ville, ce sont les Camaïeu, Kookaï et André qui attirent leurs mères. Des enseignes avec pignon sur rue, bien implantées sur le territoire. Mais cet âge d’or de la fast fashion a pris fin. Désormais, les conditions ont changé et les concurrents ne sont plus les mêmes. 

"Avant la crise sanitaire, le marché n’était déjà pas très tonique avec une baisse de 15% du marché de l’habillement", explique à Novethic Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique de l’Institut français de la mode. "Avec la hausse de l’inflation, les consommateurs ont dû faire des arbitrages, accélérant encore le recul des ventes", constate l’expert. Et les premiers couperets ont commencé à tomber. Le dernier en date : San Marina. Placé en redressement judiciaire la chaine de chaussures se dirige tout droit vers une liquidation. 

Numérique et durabilité : virages manqués

Chez son concurrent André l'issue est aussi malheureuse. Le "chausseur sachant chausser" a été placé en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Nanterre le 8 février. L’enseigne, née en 1896, avait déjà été en difficulté en 2020 peu de temps avant la crise sanitaire. La veille, la mauvaise nouvelle était venue de C&A. La marque a fermé les portes de deux de ses magasins emblématiques à Paris, boulevard Haussmann et rue de Rivoli. Le 1er février, Kookaï annonçait quant à elle son placement en redressement judiciaire.

Les difficultés des ces enseignes ne datent pas d'hier. Dès le milieu des années 2000, les premiers signes de tensions apparaissent. H&M se lance dans la course, suivi par Zalando, Asos ou encore Primark. Des concurrents de taille, qui misent sur les petits prix ou l’e-commerce. "Au moment où les ventes ont décollé sur internet, les enseignes traditionnelles, qui n’avaient pas pris le tournant du numérique, ont ouvert des magasins pour compenser le manque de dynamisme de leur chiffre d’affaires", analyse Gildas Minvielle.

À cela s’ajoute une nouvelle aspiration d’une partie des consommateurs : l’écoresponsabilité. Les attentes changent, et les enseignes n’arrivent pas à y répondre. Ni pas cher, ni durable, ni en ligne… les enseignes traditionnelles se retrouvent prises dans un étau. Et la crise s’étend de plus en plus. Gap France, Go Sport, Pimkie… la liste des entreprises en difficulté est longue avec, à la clé, des milliers d’emplois supprimés.

"Des employées peu qualifiées"

La première secousse sociale est intervenue en septembre 2022 avec la liquidation judiciaire subite de Camaïeu, menant aux licenciements de 2 100 salariés. Une "hécatombe" pour la section fédérale FO Commerce & VRP qui a dénoncé dans un communiqué des entreprises "ayant vampirisé les fonds, qu'ils soient publics ou issus de leur activité, sans jamais investir ni dans l'emploi, ni dans l'outil de travail, ni dans les salaires".

La question des emplois est cruciale. Si le groupe Celio a racheté la marque Camaïeu par exemple, c’est sans reprendre ni les magasins, ni la logistique. Pour les salariés du prêt-à-porter sur le carreau, c’est la douche froide. Du côté de Pimkie, sur le point d'être cédé à un consortium alliant Lee Cooper France, Kindy et Ibisler Tekstil, le rachat pourrait entraîner la suppression d'environ 500 postes, selon des sources syndicales. Chez San Marina, 600 salariés sont sur la sellette. 

Le ministre chargé de l’Industrie, Roland Lescure avait déclaré fin septembre vouloir "accompagner les salariés". En octobre, Camaïeu indiquait dans un post Facebook que les bénéfices de la grande vente définitive seraient destinés aux salariés de l’entreprise dans le cadre du Plan Sauvegarde de l’emploi. Mais la reconversion s’avère difficile. Certains salariés ont fait toute leur carrière dans ces grands groupes. "Près de 80% des salariés de la Halle sont des employées peu qualifiées", racontait au Monde Karim Cheboub, délégué syndical de l’enseigne en 2020 lors de la fermeture de ses magasins. 

Marina Fabre Soundron @fabre_marina avec AFP


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