Publié le 19 août 2023
ÉCONOMIE
"Tourist keep out" : après les incendies meurtriers à Hawaï, les touristes continuent d'affluer
Persona non grata (pour le moment). Sur l’île de Maui, dans l’archipel d’Hawaï, les touristes continuent d’affluer pour profiter pleinement de leurs vacances alors cette région a été dévastée quelques jours auparavant par les flammes. Une arrivée plus que malvenue pour les habitants sinistrés qui les implorent de rester chez eux pour leur permettre de se reconstruire et de faire le deuil des 111 victimes, bilan encore aujourd'hui provisoire.

PATRICK T. FALLON / AFP
"Maui n’est pas l’endroit où passer ses vacances en ce moment", implore sur Instagram l’acteur américain Jason Momoa, originaire d’Hawaï, alors que des centaines de personnes sont toujours portées disparues à la suite des incendies meurtriers qui ont balayé l’île, la semaine dernière. Dans sa vidéo, l’interprète d’Aquaman incite fortement les touristes à ne pas venir, car "l’île a désormais besoin de temps pour guérir, faire son deuil et se reconstruire".
Maui is not the place to have your vacation right now.
DO NOT TRAVEL TO MAUI.
Do not convince yourself that your presence is needed on an island that is suffering this deeply.
Mahalo to everyone who has donated and shown aloha to the community in this time of need. pic.twitter.com/NSD72LYyRQ— Jason Momoa (@prideof_gypsi3s) August 11, 2023
L'Autorité du tourisme d'Hawaï a demandé le 15 août dernier à éviter les voyages non essentiels à Maui "dans un avenir proche". Or les vacanciers, principalement américains, continuent d’affluer sur l’île qui déplore désormais 111 morts, selon un bilan encore provisoire.
Comme si de rien n’était
Le 11 août dernier, soit trois jours à peine après les incendies, un bateau de snorkeling (randonnée palmée, NDLR) a d'ailleurs été aperçu près des côtés de Maui avec à son bord des clients, pendant que des sauveteurs étaient encore en train de rechercher des corps en mer. Face au scandale, la société a stoppé ses activités et présenté ses excuses. Plus largement, la presse locale fait état de touristes qui traversent devant des convois d’aides ou tentant de visiter la ville de Lahaina, complètement ravagée par les flammes. Et ce, alors qu’à l’entrée de la ville se trouve un panneau indiquant "tourist keep out".
A sign reading "Tourist Keep Out" sits beside a road into the devastated town of Lahaina in Hawaii.
With thousands of locals left homeless and in desperate need on an island dependent on tourism dollars, debate has begun over whether tourists should be visiting Maui pic.twitter.com/G0syTw6Dxx— AFP News Agency (@AFP) August 18, 2023
Or, la présence non désirée de ces touristes est un poids pour les communautés de l’ouest de l’île, qui tentent de se reconstruire. Comme l’a expliqué sur Facebook, la conseillère municipale Tamara Paltin : "Nous ne voulons pas voir de gens en vacances alors que nous essayons de reprendre nos vies en main. Nous ne voulons pas que nos routes soient fermées parce que les touristes ne peuvent pas suivre les indications"", écrit-elle. "Si vous êtes un touriste, ne venez pas à Lahaina. Je me fiche que vous ayez des réservations, ce n'est pas le moment. Allez ailleurs, s'il vous plaît".
Une économie fortement dépendante du tourisme
D'ailleurs, l’Autorité du tourisme d'Hawaï a affirmé dans un communiqué que "dans les semaines à venir, les ressources collectives et l'attention du gouvernement fédéral, de l'État et du comté, de la communauté de West Maui et de l'industrie du voyage doivent se concentrer sur le rétablissement des résidents qui ont été forcés d'évacuer leurs maisons et leurs entreprises". De nombreux hôtels ont ainsi temporairement cessé d'accepter de nouvelles réservations et ont mis leurs chambres à la disposition des résidents locaux qui ne peuvent pas encore rentrer chez eux.
Néanmoins, le gouverneur d’Hawaï, Josh Green, a décidé de ne pas interrompre les arrivées des touristes sur le reste de l’île en raison du poids économique que représente l’industrie du tourisme pour l’archipel. En 2022, l'île de Maui avait reçu 2,9 millions de visiteurs, soit 31% des visiteurs de l’archipel. Des chiffres qui font du tourisme "irréfutablement le moteur économique" de Maui, selon le Conseil de développement économique de l’île.
Le ras-le-bol des populations autochtones
Et cette nouvelle crise risque d’exacerber une colère qui couve depuis plusieurs années chez les peuples autochtones. "Avant la pandémie, je n’avais pas conscience à quel point on était dépendants du tourisme et combien cette industrie était néfaste, parce que j’avais grandi avec ça toute ma vie, a raconté à Radio Canada une étudiante et habitante de l’archipel, Camille Slagle. Mais cette industrie exploite nos terres et notre culture".
Car l’arrivée sur l’île des touristes, principalement américains, a fait flamber le coût de la vie, chassant ainsi de nombreux Hawaïens autochtones. Dans une note sur le logement publiée en juillet dernier, le bureau du gouverneur a d'ailleurs noté qu'Hawaï est l'État avec le logement le plus cher des États-Unis. Le prix médian y est de 850 000 dollars pour une maison. À Lahaina, ville meurtrie par les incendies, le prix médian des maisons était d'environ 1,5 million de dollars.
Et la crainte aujourd’hui pour un grand nombre d’habitants de Maui est de voir tomber la reconstruction de cette ville balnéaire dans les mains de riches promoteurs américains. Selon le média Vox, certains d’entre eux en mal de terrain à bâtir seraient d’ailleurs déjà sur place, alors que les cendres des maisons sont encore tièdes. Et ce malgré la promesse du gouverneur d'Hawaï de "veiller à faire tout ce qu’il peut pour empêcher que cette terre ne tombe entre les mains de personnes de l’extérieur".