Publié le 24 juin 2023
ÉCONOMIE
Heatflation, Greenflation, Shrinkflation... Les dessous de l'inflation en cinq mots
Guerre en Ukraine, changement climatique, dépendance aux énergies fossiles… Derrière la hausse des prix, les raisons sont multiples, mais pas toujours celles que l’on pense. Pour vous y retrouver, Novethic vous propose un tour d’horizon des nouveaux mots de l’inflation.

Istock
Heatflation
Des olives espagnoles aux oranges mexicaines, la sécheresse représente une menace grandissante pour les récoltes agricoles. Avec la hausse des températures et le manque d’eau, le risque de "heatflation", l’inflation liée à la chaleur, devient de plus en plus concret. D’après un rapport de la Banque centrale européenne, les étés chauds constituent le facteur climatique ayant "l'impact le plus important et le plus durable" sur les prix, en particulier de l’alimentation. Le phénomène peut même s’aggraver selon l’intensité de la chaleur, la saison à laquelle elle s’installe, mais également la dépendance des pays à leur agriculture. En Europe, les effets de la heatflation sont déjà visibles, par exemple en Italie où les tomates voient leur coûts s’envoler. Ces derniers auraient augmenté de 30 % par rapport à 2022 selon Fabio Massimo Pallottini, président d’Italmercati, réseau italien des marchés de gros mentionné par la média Bloomberg.
Shrinkflation
Alors que l’inflation continue de peser lourd sur le porte-monnaie des consommateurs, notamment dans les rayons des supermarchés, distributeurs et industriels ne manquent pas d’imagination pour maintenir une illusion de prix bas. Parmi les stratégies dénoncées par les associations de consommateurs : la "shrinkflation" (du verbe anglais shrink, rétrécir). Cette technique consiste à réduire la quantité vendue, sans le préciser, tout en conservant l’emballage habituel des produits. En septembre 2022, l’ONG FoodWatch épinglait six marques, dont Kiri, Teisseire ou encore Lindt. Le chocolatier aurait ainsi amputé de six bouchées les boîtes de chocolat "Pyrénéens", réduisant le poids global de 20%. Résultat, le prix au kilo a lui bondi de 30% depuis 2020. Le 8 juin 2023, Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée du commerce, a affirmé saisir en septembre prochain le Conseil national de la consommation afin d’enquêter sur ce phénomène.
En exclusivité, @oliviagregoire annonce la saisine du Conseil national de la conso à la rentrée afin d'évaluer si le renforcement d'un "arsenal réglementaire" est nécessaire sur #shrinkflation & arnaque au prix sur formats spéciaux. Une bonne nouvelle que nous suivrons de près ! https://t.co/4FnqSbsU9k
— foodwatch France (@foodwatchfr) June 9, 2023
Excuseflation
La flambée des prix est-elle toujours justifiée ? Non, selon le média américain Bloomberg, qui accusait le 9 mars dernier les entreprises de profiter de l’"excuseflation" pour maintenir, voire augmenter leur profits. Le principe : s’appuyer sur le contexte économique et les crises en cours, comme la guerre en Ukraine ou la pandémie de covid-19, pour maintenir une augmentation des prix, et ce même si les coûts des matières premières baissent. "Beaucoup d’entreprises ont augmenté leurs prix en prenant pour prétexte des faits exceptionnels, sinon saugrenus, et elles commencent à voir ce que le consommateur est prêt à encaisser, explique Samuel Rines, directeur général de Corbu, une société d'analyse et de conseil, auprès de Bloomberg. Une fois que vous avez fait passer une hausse de prix, une fois que vous constatez que le consommateur est prêt à l’accepter, vos marges augmentent à mesure que le coût de vos intrants revient à la normale".
Greenflation
Aluminium, cuivre, nickel… Du côté de la transition énergétique, ce sont les cours des métaux qui explosent les records. Alors qu'il est nécessaire de tourner le dos aux énergies fossiles, les importants besoins en énergie propre alimentent la hausse des cours. Un terme désigne cette situation : la "greenflation" (ou inflation verte). Le prix du lithium, élément indispensable à la fabrication des batteries pour les véhicules électriques, a ainsi connu un boom de 437 % selon les données de Trading Economics. Même constat pour le cuivre, pour lequel la barre des 10 000 dollars a été atteinte. Si l’offre n’est pas à la hauteur de la demande, c’est aussi que les blocages s’intensifient, alimentant la hausse des prix. En cause : les impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) liés notamment à l’extraction de ces métaux. Au Chili, au Pérou, en Alaska et même en Serbie… des projets miniers sont en suspens face à la résistance des communautés locales.
Fossilflation
Autre concept lié au climat, la "fossilflation". Conséquence directe de notre dépendance aux énergies fossiles, la fossilflation entraîne "une augmentation de la facture énergétique des ménages, mais aussi un renchérissement d'autres produits et services", notamment l’agriculture, d’après un décryptage de l’ONG Reclaim Finance. Dans un fil Twitter, le journaliste économique britannique Ed Conway explique ainsi comment la culture sous serre alimentée aux énergies fossiles a provoqué cette année une flambée des prix des concombres consommés au Royaume-Uni. Symbole de cette "fossilflation", les engrais azotés, fabriqués à partir de gaz fossile. Avec la guerre en Ukraine, leurs prix se sont envolés pendant plusieurs mois, atteignant des records. En septembre dernier, leur prix a par exemple été multiplié par 20.
Fascinating thread showing how the price of the humble cucumber has become a victim of #fossilflation Highlights the need for monetary authorities to be much more focused on driving fossil fuels out of the financial system if we are to curb inflation (& avoid climate catastrophe) https://t.co/7Keon30CCR
— Nick Robins (@NVJRobins1) June 21, 2023