Publié le 08 avril 2022
ÉCONOMIE
Biscuits, chips, frites, margarine… la pénurie d’huile de tournesol modifie la composition de nombreux produits
Les industriels de l’agroalimentaire vont devoir revoir leurs recettes. L’Ukraine, principal fournisseur d’huile de tournesol pour l’Europe, cesse ses approvisionnements et oblige les entreprises à trouver des substituts. Mais la mise à jour de l’étiquetage des produits pour informer les consommateurs pourrait prendre du temps, alertent les ONG et associations qui réclament la transparence. Des mesures d’urgence sont en discussion.

@CCO
La guerre en Ukraine a des conséquences inattendues et notamment celle de modifier les recettes de nombreux produits alimentaires. Le conflit provoque en effet une rupture de l’approvisionnement en tournesol, composant très utilisé dans l’industrie agroalimentaire pour les recettes à base d’huile de tournesol, ou encore pour l’alimentation animale. L’Ukraine en est l’un des principaux fournisseurs pour l’Europe, représentant plus des deux tiers de l’approvisionnement. Selon la Fediol, la fédération des industriels de l’huile végétale, la fourniture des 200 000 tonnes mensuelles d’huile de tournesol vers les ports européens a été stoppée dès le début du mois de mars.
Depuis, les industriels vivent sur leurs réserves. Ils ont commencé à prendre des mesures pour trouver des alternatives, sachant que, selon la Fediol, les volumes exportés par l’Ukraine sont difficilement remplaçables par une autre source d’approvisionnement de tournesol. Les industriels doivent donc trouver des alternatives. Dans certains pays d’Europe, c’est déjà officiel. Au Royaume-Uni, la Food Standards Agency et la Food Standards Scotland ont déclaré dès la fin du mois de mars, que certains produits utiliseraient de l’huile de colza raffinée à la place de l’huile de tournesol.
Risque d’opacité
Mais ces changements dans la composition des produits inquiètent les associations qui craignent un manque de transparence de la part de l’industrie agroalimentaire. L’ONG Foodwatch alerte en effet sur le risque que de l’huile de palme ou encore des aliments à base d’OGM (organisme génétiquement modifié) soient utilisés comme substitut, sans que les consommateurs ne le sachent. "Nous comprenons que l’industrie agroalimentaire s’adapte à ce contexte exceptionnel. Mais si les consommateurs ne souhaitent pas manger d’OGM ou d’huile de palme, ils doivent pouvoir disposer de l’information au moment de leurs achats", déclare Camille Dorioz, responsable des campagnes chez Foodwatch.
Les industriels ont déjà commencé à demander au gouvernement des dérogations pour pouvoir modifier les recettes. Mais ils alertent sur leur incapacité à modifier à temps les étiquettes de leurs produits. Au Royaume-Uni, la Food Standards Agency, chargée de la protection publique dans l’alimentation, déclare travailler "d’urgence avec l’industrie agroalimentaire et d’autres partenaires pour nous assurer que les étiquettes sur les produits où l’huile de tournesol a été remplacée par de l’huile de colza soient rendues exactes aussi vite que possible".
Informer en temps réel
En France, selon l’association de consommateurs UFC Que Choisir, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) réfléchit de son côté aux moyens à mettre en place pour informer les consommateurs. Pour prévenir les risques d’allergies, un sticker obligatoire pourrait voir le jour immédiatement afin d’éviter le risque sanitaire.
Les corrections de la composition des produits pourraient en revanche être plus lentes à venir, l’impression des étiquettes nécessitant plusieurs mois de délai. La DGCCRF pourrait mettre en place un site internet pour informer les consommateurs. Une alternative qui ne satisfait pas les associations. "Nous mettons la pression sur les industriels pour qu’ils s’engagent à informer en temps réel et directement sur les produits des changements d’ingrédients et qu’ils les expliquent, car la crise ne doit servir d’alibi ni à des abus, ni à un défaut d’information des consommateurs", explique Foodwatch.
L’UFC Que Choisir demande pour sa part que des panneaux d’affichage soient installés de manière visible dans les magasins. Un précédent a déjà eu lieu au moment du premier confinement où, en l'absence de certains ingrédients, des industriels avaient déjà modifié des recettes sans l'indiquer sur les étiquettes. Foodwatch avait alors demandé aux distributeurs d'avertir les consommateurs en magasin ou via les réseaux sociaux. L'exception pourrait devenir la règle...
Arnaud Dumas, @ADumas5