Publié le 30 avril 2021
ÉCONOMIE
[Édito] Le monde craque et les appels aux plans B, basés sur de nouveaux modèles économiques, se multiplient
D’un côté, 51 milliards d’euros de dividendes pour le CAC 40, de l’autre 500 millions de livreurs pour plateformes numériques avec un revenu de misère. Ces sommes donnent une idée de l’ampleur des inégalités et de l’impasse dans laquelle se trouve le modèle économique dominant. Il se cogne aux limites planétaires et raréfie l’emploi stable et bien rémunéré. Deux livres, écrits par des auteurs insérés dans le système économique, soulignent l’impérieuse nécessité d’un changement de cap.

@ACHT
Pan après pan, l’épidémie de Covid-19 défait l’économie mondialisée à flux tendu où la Chine est l’usine du monde, l’Inde son laboratoire et l’Afrique sa mine de matières premières. Il montre ainsi l’impérieuse nécessité d’accélérer la transition vers des modèles plus durables pour éviter l’impasse dans laquelle le monde fonce, à bride abattue, depuis les années 80. Ce ne sont plus seulement les altermondialistes qui le disent mais aussi des auteurs de livres, insérés dans le système.
Céline Puff Ardichvili est communicante et entrepreneure, et Fabrice Bonnifet, directeur développement durable du groupe Bouygues. Ils ont écrit à quatre mains "L’Entreprise contributive, Concilier monde des affaires et limites planétaires" (Éd. Dunod). De leur côté, Marie-Paule Virard, journaliste économique et Patrick Artus, conseiller économique de Natixis, ont fait de même avec "La dernière chance du capitalisme" (Éd. Odile Jacob).
L’entreprise contributive
"L’entreprise contributive" commence par une préface du Manifeste pour un Réveil Écologique qui avertit : "Nous affirmons notre refus de travailler pour des employeurs qui ne placeraient pas les questions écologiques au cœur de leur stratégie". Les auteurs du livre enchaînent avec l’inquiétant constat basé sur la science : nous allons dans le mur parce que "l’humanité vit au-dessus de ses moyens". Leur plan B : l’entreprise contributive.
Céline Puff Ardichvili, résume ainsi leur idée : "Nous donnons des exemples inspirants qui forment une mosaïque contributive et nous proposons une méthode basée sur l'observation de pionniers : les artisans de cette entreprise contributive qui tentent déjà de produire des "externalités positives" pour l'homme et l'environnement tout en faisant (bien mieux, du coup !) leur métier". Leur objectif : aider à transformer les entreprises de l’intérieur parce que c’est le seul moyen que l’économie change en profondeur et à l’échelle nécessaire pour freiner le changement climatique et espérer un monde plus juste.
La tâche est immense d’autant plus que la trajectoire actuelle est inverse. L’Observatoire des Multinationales estime par exemple que le montant cumulé des dividendes versés par les entreprises du CAC 40 est supérieur de 140 % à leurs bénéfices globaux, soit 37 milliards d’euros. Cette somme est d’autant plus notable en pleine précarisation croissante des "esclaves de l’algorithme", ces livreurs des plateformes en ligne dont un documentaire, diffusé par Arte, décrit les difficiles conditions de travail !
Les travailleurs à la tâche, comme les livreurs ou chauffeurs, n’ont certes pas de patron sur le dos, mais un algorithme tyrannique dans la poche. https://t.co/PJRB6ZjhuU pic.twitter.com/cc6XFz7zFk
— ARTE (@ARTEfr) April 27, 2021
Nuit gravement à la santé des sociétés
Ce constat sur les ravages des modèles actuels est partagé par les auteurs de "La dernière chance du capitalisme". Patrick Artus et Marie Paule Virard concluent ainsi leur livre "non seulement le capitalisme néo-libéral nuit gravement à la santé de nos sociétés mais il est aussi calamiteux pour la croissance. Et ce pour de multiples raisons qui vont de la quête d’une rentabilité anormalement élevée du capital jusqu’au développement des inégalités de revenus qui minent le pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires".
Leur proposition : répondre à l’intensité de la crise en inventant d’autres modèles basés sur une nouvelle philosophie de l’économie politique. Cela consisterait à "aligner les intérêts des actionnaires des dirigeants et de la société qui considèrent comme légitime de voir mettre en place des politiques offensives contre les inégalités, contre la pauvreté et la précarisation croissante, des politiques de lutte contre le réchauffement climatique et les désordres écologiques de toutes sortes".
On commence quand ?
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic