Publié le 27 décembre 2021
ÉCONOMIE
De trader à militant, de citadin à paysan : en 2021, ils ont choisi de ne plus subir leur vie
Tous les espoirs sont permis en 2022 pour ces nombreux citoyens qui ont choisi de faire leur révolution pour redonner du sens à leur vie. Ils étaient traders, cadres dans des grands groupes et vivaient confortablement mais la pandémie a bousculé leurs certitudes et déclenché des changements de vie parfois radicaux. Toute la semaine, Novethic revient sur des tendances qui donnent de l'espoir pour l'avenir.

Zoe Schaeffer
Pour Victor, Enora et de nombreux citoyens, cette nouvelle année ne ressemblera à aucune autre. Après le temps des doutes et de la révolution sur l’année écoulée, place en 2022 à la concrétisation des projets et l’installation dans une nouvelle vie. Une vie que, cette fois, ils auront choisie. À l’image de Victor Cannilla, un brillant étudiant de Lausanne (Suisse), devenu en un temps record trader puis consultant pour le Boston Consulting Group (BCG), l’un des trois plus prestigieux cabinets de consulting au monde, avant de tout plaquer en 2021.
Issu d’un milieu modeste, le jeune homme est admis dans les plus grandes écoles et décroche la prestigieuse bourse de The Economist. En toute logique, il s’oriente vers de grandes entreprises où il travaille beaucoup, sans prendre le temps de se poser de questions. Avec le recul, il comprend aujourd’hui qu’il vivait "dans un entre-soi, avec des collègues ou amis qui partagent un même niveau de vie où les questionnements n’ont pas leur place. On se protège derrière des mécanismes psychologiques qui arrivent à légitimer les dissonances cognitives", affirme le désormais militant pour le climat.
Celui qui "coche alors toutes les cases de la réussite professionnelle" s’interroge sur le sens de ses missions. Le point de bascule est atteint lorsqu'il participe à un projet dans l'agro-alimentaire dont "le but était d’inonder un pays d'Europe de l’Est avec des biscuits à petits prix, avec pour corollaire la destruction du tissu économique local et le développement de la malbouffe". Face à ce cas de conscience, le jeune consultant s'interroge alors sur son utilité.
Il remet aussi en cause les théories économiques dominantes "enseignées à l'école sans jamais être questionnées", s'étonne désormais Victor Cannilla. Il trouve des réponses dans des livres, les podcasts, les vidéos sur l’écologie et les modèles alternatifs. "J’ai connu cinq ou six moments de bascule qui se renforçaient chaque fois les uns les autres", indique-t-il. Il décroche ensuite une mission d’un an avec le BCG et l’ONG WWF. Mais sa démission devient vite une évidence.
Sur Google, la recherche "changer de carrière" a augmenté de 202 % !
Au printemps dernier, Victor Cannilla choisit de quitter son entreprise avec fracas ! Il fait une présentation devant des centaines de collègues où il parle de climat et de décroissance, un coup d’éclat remarqué dans ce milieu empreint de discrétion. Celui qui a voulu déclencher des prises de conscience a reçu de nombreux messages d’encouragement. Il a raccroché le costume et les beaux bâtiments pour poursuivre son engagement dans la rue aux côtés des militants de la grève pour le climat.
Autre destin, autre changement radical : celui d'Enora qui a choisi de quitter la ville et un métier de conductrice de travaux, où "elle passait beaucoup de temps sur les routes", pour devenir maraîchère. Elle défend désormais un "système de micro fermes économiquement viable basé sur la paysannerie et la résilience". Elle ne regrette pas son choix même si elle a divisé son salaire par trois. "Pour rien au monde je ne retournerais en arrière" indique-t-elle même si elle reconnaît avoir quelques craintes pour la suite.
Ces changements de vie ne sont pas isolés. Après le confinement, la recherche "changer de carrière" sur Google a augmenté de 202 % ! "Depuis le début de la pandémie, ce sont près de 10 % des Français qui ont décidé de changer de vie. Ils ont notamment choisi de quitter les grandes villes pour renouer avec la nature. Paris a par exemple perdu 10.000 habitants", indique Jean Viard, directeur de recherche au CNRS. "Lors de la pandémie, les gens ont vécu la peur de la mort et ils sortent différents de cet épisode. Leurs préoccupations évoluent et la quête de sens devient centrale", indique l’auteur de "La révolution que l'on attendait est arrivée" (L'Aube). "Les choses désirables évoluent. Par exemple, tenir un café en Bretagne devient plus enviable que d'avoir un poste de cadre à Paris", ajoute le sociologue. Reste à savoir si ces changements s'inscriront dans la durée. L'année qui s'ouvre sera charnière.
Mathilde Golla @Mathgolla