Publié le 05 août 2022
ÉCONOMIE
Contre le surtourisme, la planification devient une solution de plus en plus prisée
Le tourisme de masse détruit les sites les plus fragiles et procure peu de satisfaction aux visiteurs en surnombre. Contre ce fléau, des spécialistes prônent une gestion plus fine des lieux touristiques, via des réservations. Pour optimiser les flux de visiteurs et éviter les cohues, beaucoup de grands musées et lieux clos fonctionnent déjà sur ce principe, notamment depuis la pandémie. Il s’étend désormais à des sites extérieurs comme les Calanques de Marseille pour limiter la surfréquentation et protéger le patrimoine d’exception. Toute la semaine, Novethic explore les chemins vers un tourisme plus durable.

NICOLAS TUCAT/AFP
Les vacances de demain seront organisées ou ne seront pas ! Alors que le secteur repart sur les chapeaux de roues après deux ans de pandémie, la France est la destination touristique la plus prisée au monde. Mais cette santé flamboyante n’a pas que des avantages. La surfréquentation de certains lieux inquiète les professionnels qui craignent la destruction de patrimoines fragiles.
Ainsi, "pour éviter le tourisme de masse, il faut réguler davantage, éviter que tout le monde se retrouve au même endroit au même moment", défend le sociologue Jean Viard. "Il faut une forme de régulation, de planification", martèle l’auteur de "Tourisme, l’an zéro du tourisme" (édition de l’Aube) coécrit avec David Medioni. Le sociologue plaide d’ailleurs pour la création d’un ministère du tourisme en mesure d’accompagner cette évolution.
"Les voyageurs sont prêts à accepter des changements"
Le réflexe de réserver à l’avance avant de se rendre dans un musée est déjà installé auprès des voyageurs depuis la pandémie. Cette nouvelle façon d’envisager les vacances devra être étendue à toutes les visites envisagées. "Avec la crise sanitaire, les comportements ont déjà évolué : les gens prennent davantage le train, ils voyagent moins loin et sont prêts à accepter plus de changements encore", souligne Jean Viard.
Le sociologue cite l’exemple des Calanques de Marseille. Depuis juillet, les autorités imposent en effet aux visiteurs de réserver avant de venir admirer les calanques de Sugiton et les Pierres Tombées. L’accès est limité à cinq personnes par groupes et à huit accès maximum sur la période estivale. En effet, ce site d’exception a vu sa fréquentation exploser depuis quelques années, atteignant à l’été 2020, 3500 visiteurs par jour, deux fois plus qu’en 2019. Cette surfréquentation a des effets néfastes sur l’environnement : cela provoque une érosion des sols mais aussi des dégâts sur l’écosystème marin notamment à cause des crèmes solaires.
De plus en plus de sites et de villes imposent des quotas
Une solution comparable a été déployée sur l’île de Porquerolles dans le Var, avec une limite fixée à 6000 touristes par jour. Un système de réservation obligatoire de billets a été mis en place en lien avec les compagnies de bateaux qui déversent les touristes sur l’île. Cette décision a été prise à l’été 2020 après que l’île a été prise d’assaut, avec des pics de fréquentation à 12 000 touristes journaliers. La moyenne était déjà de 8 500 visiteurs ces dernières années. De plus en plus de lieux tentent de réguler ainsi les va et viens de touristes, alors que la pandémie a déstabilisé le secteur. Ainsi, depuis l’an passé, les sites de Bavella, la Restonica et les îles Lavezzi, en Corse imposent eux-aussi un quota de visiteurs.
Ailleurs aussi cette restriction d'accès aux lieux les plus touristiques se déploie. Ainsi, Amsterdam tente de mieux contrôler les flux de voyageurs qui viennent fouler son sol. La ville souhaite dorénavant un minimum de dix et un maximum de vingt millions de nuitées par an. "Tous les ans, la municipalité doit fournir des données sur le nombre de touristes, mais aussi la pression touristique par quartier. Il s'agit bien d'une politique quantitative et qualitative", détaille au "Figaro", Martijn Badir, à l'initiative d'une pétition demandant une réduction du nombre de touristes.
Demain, les voyages seront pensés différemment et planifiés à l’avance par les globe-trotteurs. La spontanéité pourrait en pâtir mais l’environnement et le bien-être des touristes y gagneront.
Mathilde Golla @Mathgolla