Publié le 09 février 2021
ÉCONOMIE
Christine Lagarde dit "non" aux économistes qui demandent à la Banque centrale d’annuler la dette des États européens
Plusieurs grands économistes jugent que la relance économique, sociale et verte passera par une annulation de la dette des États européens détenues par la banque centrale. Mais si la présidente de la BCE, Christine Lagarde, reconnaît que les nations vont bien sortir plus endettées de la crise, elle juge qu’il est inenvisageable d’annuler leur obligation de remboursement.

@BCE
Vendredi 5 février, 100 économistes, dont Thomas Piketty (École d’économie de Paris), Jézabel Couppey-Soubeyran (Sorbonne) ou Olivier Passet (Xerfi), ont appelé à annuler la dette publique détenue par la Banque centrale européenne (BCE). Pour eux, cela est essentiel pour faciliter la reconstruction sociale et écologique après la pandémie de Covid-19. "Les citoyens découvrent, pour certains avec effarement, que près de 25 % de la dette publique européenne est aujourd’hui détenue par leur banque centrale", dénoncent-ils dans une tribune.
Christine Lagarde, Présidente de la BCE, ne goûte pas cette idée. Dans une interview au JDD, elle juge que l'annulation de la dette Covid-19 est "inenvisageable". Selon elle, ce serait "une violation du traité européen qui interdit strictement le financement monétaire des États", a-t-elle souligné dans le Journal du dimanche. "Cette règle constitue l'un des piliers fondamentaux de l'euro", assure la dirigeante.
Un quart de la dette détenue par la BCE
Très critique, elle ajoute : "Si l'énergie dépensée à réclamer une annulation de la dette par la BCE était consacrée à un débat sur l'utilisation de cette dette, ce serait beaucoup plus utile ! À quoi sera affectée la dépense publique ? Sur quels secteurs d'avenir investir ? Voilà le sujet essentiel aujourd'hui".
Pourtant les économistes dénoncent la logique de cette dette auto-détenue : "Nous nous devons à nous-mêmes 25 % de notre dette et si nous remboursons cette somme, nous devrons la trouver ailleurs, soit en réempruntant pour faire rouler la dette au lieu d'emprunter pour investir, soit en augmentant les impôts, soit en baissant les dépenses". Autant de solutions qui vont ne faire que grever la capacité de relance sur le continent.
"Tous les pays de la zone euro émergeront de cette crise avec des niveaux de dette élevés", a estimé Christine Lagarde dans le JDD. Mais "il ne fait aucun doute qu'ils parviendront à la rembourser. Les dettes se gèrent dans le temps long. Les investissements réalisés dans des secteurs déterminants pour l'avenir engendreront une croissance plus forte". "La reprise sera créatrice d'emplois (…) Nous allons vers une autre économie, plus numérique, plus verte", déclare-t-elle encore.
Ludovic Dupin avec AFP