Publié le 31 août 2023
ÉCONOMIE
BNP Paribas Immobilier accusé de détruire une forêt en Île-de-France
La filière immobilière de BNP Paribas va installer 600 logements au cœur d'une forêt de près de 3 hectares à Noisy-le-Grand. Un espace convoité à quelques pas des futures lignes de métro 15 et 16. Si le projet suscite de vives oppositions, il souligne aussi la difficulté de concilier des objectifs ambitieux de protection de la biodiversité avec les intérêts économiques des promoteurs immobiliers et des communes.

@Fanny Breuneval
Acacias, hêtres, chênes... De grands arbres se dressent à 150 mètres de la gare de Noisy-Champs. Cet écrin de verdure dense, cartographié comme une forêt à "mélange de feuillus" par l'IGN et appelé le "Bois Lumière" en référence à l'ancienne école de cinéma voisine, s'étend sur près de 3 hectares. Mais en s'avançant sur un chemin formé par des passants, des marques fluos bleues, roses ou blanches décorent certaines écorces. 1,5 hectare, soit près de la moitié de la forêt, doit être défriché selon les plans annoncés en 2023 par le promoteur BNP Paribas Immobilier, filiale de BNP Paribas.
À la place, 600 logements neufs doivent sortir de terre. Le projet doit démarrer fin 2024 si le permis de construire est validé. "C'est un projet d'un autre temps", fustige l'association Rassemblement pour l'Étude de la Nature et l'Aménagement de Roissy et son District (Renard). 4000 personnes, dont l'opposition écologiste et socialiste à Noisy-le-Grand, ont signé une pétition pour contester le projet. Réserve de biodiversité, puit de carbone pour lutter contre la crise climatique, îlot de fraicheur... L'association Renard défend les atouts de cette forêt dans la région la plus urbanisée de France.
Un "réservoir de biodiversité"
Deux petits panneaux "prairie" et "ferme" trônent au milieu du bois, issus d'une visite organisée par des habitants de Noisy-le-Grand pour faire découvrir le lieu. Les idées d'alternatives pour valoriser cette forêt laissée à l'abandon ne manquent pas. "La Cité Paris Descartes, juste à côté, est une université spécialisée sur la ville durable, explique l'association Renard. Ce serait un lieu parfait d'étude de la biodiversité ou encore de mise en place d'une ferme urbaine".
Un panneau "prairie" installé lors d'une visite organisée par des habitants de Noisy-le-Grand. FB
Les arbres sont aussi des refuges pour les oiseaux. 24 espèces ont été recensées dans le bois et plusieurs s'y reproduisent. La Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) considère le lieu comme un "un réservoir de biodiversité et un élément de la trame verte indispensable au maintien de la nature en ville à Noisy-le-Grand". C'est aussi, selon elle, un "corridor écologique", c'est-à-dire un espace de passage pour la faune. Il contribue ainsi à la "continuité écologique" en Île-de-France.
Pour BNP Paribas, ce projet est l'occasion de participer au développement du Grand Paris. Le promoteur a remporté l'appel d'offre lancé par la ville de Noisy-le-Grand dans le cadre du concours "Inventons la Métropole du Grand Paris" en 2019. La demande était de valoriser, avec une "dominante résidentielle", cette parcelle de plus de 3 hectares. Ainsi, un espace de coworking et une crèche prendront place dans l'ancienne école de cinéma à côté d'habitations dont un quart devront être des logements sociaux. C'est aussi un investissement dans un territoire de plus en plus attractif avec l'arrivée prochaine des lignes de métro 15 et 16. Ces cinq dernières années, le prix du mètre carré dans le quartier a grimpé de 43%, selon Le Figaro Immobilier.
La surface boisée s'étend sur 2,8 hectares. Elle longe, au Nord, la ligne de RER. Image d'une présentation du projet réalisée par BNP Paribas Immobilier et fournie à Novethic par l'association RENARD.
Au cœur du Grand Paris, un "éco quartier"
BNP Paribas Immobilier considère que son projet est responsable du point de vue environnemental. Face à ce qu'il considère comme "une friche", car la forêt n'est pas entretenue, le promoteur met en avant des aménagements écologiques. Bande d'arbres conservée le long du RER, dalles en matières perméables, toitures végétalisées, réservoirs d'eau de pluie, micro-habitats pour la faune tel des nichoirs à oiseau... Ces éléments contribuent à limiter l'impact environnemental du projet, estampillé "éco quartier". En compensation, BNP Paribas prévoit aussi de replanter dans le site plus d'arbres que ceux coupés et de financer un projet de reforestation de 5 hectares dans la région.
Ce projet immobilier symbolise les difficultés d'arbitrage sur les enjeux de biodiversité. La loi "Zéro artificialisation nette", issue de la loi Climat et Résilience de 2021, vise à réduire progressivement l'artificialisation. Cela entre en contradiction avec les besoins de logements, les demandes des mairies ainsi que les modèles économiques des promoteurs immobiliers. La situation devient paradoxale lorsque des promoteurs prennent des engagements de protection de la nature. C'est le cas de BNP Paribas Real Estate. En 2020, la filiale affirmait son "ambition de contribuer à la réduction de l'artificialisation des sols et au développement de la biodiversité" sans plus d'indicateurs chiffrés. Si le permis de construire est accordé, elle pourrait avoir à justifier de ses contradictions devant un tribunal saisi par les opposants au projet.