Publié le 29 septembre 2023
ÉCONOMIE
Airbnb : Malgré les Jeux Olympiques, Paris veut limiter les locations touristiques en pleine crise du logement
Paris suivra-t-elle la voie ouverte par New York pour limiter Airbnb entre ses murs ? La capitale, qui fait face à une crise du logement, cherche depuis plusieurs années à réguler les locations de courte durée. Une volonté qui pourrait être entravée par la tenue des Jeux olympiques 2024, alors que les propriétaires et investisseurs y voient un effet d’aubaine.

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New York a remporté la bataille. Depuis le 5 septembre, la Grosse Pomme interdit les locations de courte durée. Désormais, les propriétaires devront suivre une série de règles strictes afin de pouvoir publier une annonce sur Airbnb ou toutes autres plateformes de réservation. En deçà de 30 jours, ils auront ainsi la possibilité d’accueillir un maximum de deux voyageurs dans leur habitation, mais uniquement s’ils sont également présents dans le logement. Un enregistrement à la mairie leur est également demandé. En cas de non-respect, les hôtes s’exposent à une contravention pouvant monter jusqu’à 5 000 dollars, tandis que les sites de réservation, tenus de vérifier la bonne conformité des offres, risquent quant à eux une amende de 1 500 dollars par réservation.
Environ 10 000 habitations seraient concernées selon la municipalité, qui mise sur ces mesures pour soulager la crise du logement que traverse New York. Une problématique commune à de nombreuses grandes villes dans le monde, dont Paris, où le marché immobilier se voit progressivement grignoté par la location de meublés touristiques. Actuellement, le collectif ParisVSBnb comptabilise en effet 28 000 annonces Airbnb dans la capitale, dont 25 000 rien que pour les locations de courte durée (LCD). Or, "la hausse de 1% de la concentration de locations Airbnb a augmenté jusqu'à 11% les prix des ventes immobilières en France sur les deux années pré-Covid", explique auprès de France Info Marie Breuillé, chercheuse en économie à l'Inrae.
Une offre démultipliée par les JO
Hausse des loyers, gentrification, diminution de l’offre locative résidentielle ou encore nuisances envers le voisinage… Pour contrer ces effets, Paris tente depuis plusieurs années de réguler les LCD. "C’est la première ville à agir, elle est à la pointe", avance même Franck Rolland, porte-parole du Collectif national des habitants permanents (CNHP). La location est ainsi limitée à 120 jours par an pour les résidences principales. Concernant les résidences secondaires, elle est interdite, sauf dans le cas où le propriétaire effectue un changement d’usage auprès de la mairie. Tous les hôtes doivent en outre obtenir un numéro d’enregistrement. Autant de mesures qui semblent porter leurs fruits, le montant des amendes adressées aux propriétaires décroissant d’année en année.
De 3,5 millions d’euros en 2021, elles seraient passées à 500 000 euros depuis début 2023. "Il ne s'agirait pas de revenir en arrière maintenant", prévient Ian Brossat, adjoint en charge du logement à la mairie de Paris, dans les Échos. Pourtant, la tenue des Jeux Olympiques en 2024 pourrait bousculer les efforts menés pour limiter les LCD dans la capitale. "Nous sommes devant une contradiction forte. En souhaitant accueillir des millions de touristes, on valide un système auquel répondent les LCD", affirme à Novethic Franck Rolland. Partenaire officiel de l’événement depuis 2019, Airbnb séduit les franciliens. Selon un sondage Ifop, ils seraient 20% à vouloir proposer un hébergement sur la plateforme, alors que les prix des locations touristiques devraient exploser durant la compétition.
Les parlementaires s’emparent du sujet
Si bien que certains experts envisagent la formation d’une bulle qui se "renforcera sans doute à mesure que l'on se rapprochera du début des Jeux et que l'offre de meublés de tourisme diminuera", détaille pour France Info Julie Le Gallo, chercheuse en économie à l'Institut Agro Dijon. Du côté de la mairie, Ian Brossat se veut rassurant. "Les règles restent les règles, elles s’appliqueront aussi pendant les JO", insiste l’élu auprès d’Actu Paris. La municipalité continue par ailleurs de serrer la vis, ciblant en particulier les investisseurs. Car "le vrai problème, souligne Franck Rolland, ce sont les multipropriétaires qui ont une activité économique, bien loin des propriétaires en recherche d’un complément de revenu."
Pour permettre aux collectivités d’aller plus loin, les parlementaires se sont à leur tour penchés sur le sujet. Quatre députés ont proposé sept mesures au printemps dernier afin d’encadrer le développement des LCD en France, dont le plafonnement des locations à 90 jours, l’interdiction des passoires thermiques en location touristique et la taxation des propriétaires, aujourd’hui avantagés par rapport aux locations résidentielles. Si l’initiative est transpartisane, le gouvernement tarde pour autant à s’emparer du dossier, les discussions ayant été reportées à l’automne. "On peut supposer qu’il n’y a un souhait de gagner du temps avant les JO", estime Franck Rolland. Eléments de réponse au mois d’octobre avec le début des discussions à l’Assemblée nationale.